La fillette rose
Découpée sur le fond vert, une fillette rose. Debout. Les pieds enfoncés dans le bord de la toile, elle occupe le tableau en son entier. Sa silhouette est sans volume, sans ombre. L’enfant ne se tient pas tout à fait à la verticale. Le peintre, droitier sans doute, par manque de vigilance ou pour souligner le caractère naïf de sa peinture, a laissé les traits de son dessin se déporter vers la droite.
Pour le visage, un demi-cercle, un aplat de couleur marqué par le mouvement de touches épaisses. La chair - tête, bras, mains et gambettes - est d’un rose orangé. Les cheveux presque rouges ont la forme d’un gros bol posé sur le dessus de la tête. De la même nuance sont dessinés le nez - un trait horizontal - la bouche - un ovale - les contours du visage et des oreilles – deux petits C en miroir. Une couronne de fleurs - une suite de points blancs - entoure le haut du crâne. Puis le blanc habille la fillette d’un chemisier au col carré et de socquettes, le rose, d’une ceinture, le violet, d’un pantalon court à volants et de souliers à bout rond. Ses mains nouées sur le ventre tiennent un fouillis de fleurs jaunes et orange.
Tandis que je lève la tête au-dessus de la partition, je suis toujours surprise de trouver cette petite fille, debout sur un morceau de pelouse. Elle semble être venue se placer devant le piano sans faire de bruit. A l’arrêt, elle écoute.
Ses yeux, deux petits ronds marqués sur le bord à gauche d’une légère pointe de blanc, fixent quelque chose sur le côté au-delà du tableau.
A l’instant où je la surprends, ne pouvant s’échapper de son jardin miniature, elle détourne le regard.